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Le Monde: La Turquie redouble ses opérations contre les rebelles kurdes du PKK dans le nord de l’Irak


L’aviation turque ne cesse d’intensifier ses bombardements aériens sur les positions tenues par les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord de l’Irak, notamment dans leur redoute de Qandil, dans les montagnes situées non loin de la frontière avec l’Iran. Des opérations sont également menées dans les montagnes du sud-est de la Turquie pour tenter d’en déloger les rebelles kurdes armés.

Considérés comme terroristes par la Turquie, l’Union européenne et les Etats-Unis, les autonomistes du PKK, en guerre contre l’Etat turc depuis 1984, ont établi depuis plusieurs dizaines d’années leur base arrière dans les montagnes de Qandil, à la frontière entre l’Irak et l’Iran.

 Ils sont plus que jamais dans le viseur d’Ankara. Après s’être emparée, le 18 mars, de l’enclave d’Afrine tenue par les milices kurdes syriennes YPG, l’une des ramifications du PKK dans le nord-ouest de la Syrie, l’armée turque a multiplié les bombardements des places fortes de l’organisation kurde dans le nord de l’Irak. Ces attaques aériennes ne sont pas nouvelles. Depuis la fin du processus de paix avec le PKK, en 2015, Ankara envoie régulièrement son aviation frapper les positions des rebelles kurdes dans le nord de l’Irak.

La nouveauté tient, cette fois, à l’envoi de forces terrestres dans la région. Selon l’agence de presse kurde Rudaw et des témoins locaux, des commandos turcs ont récemment pénétré sur une profondeur d’environ 20 kilomètres en territoire irakien, établissant plusieurs avant-postes et consolidant les routes dans la zone de Sidekan, sur les contreforts des monts Qandil.

L’armée turque, qui dispose de bases dans le nord de l’Irak depuis le milieu des années 1990, s’est toujours arrogé une grande liberté de manœuvres dans la région. Des milliers de militaires turcs − représentants des forces spéciales, agents du renseignement – y sont présents. Les contacts sont plutôt cordiaux avec certaines factions du gouvernement régional du Kurdistan (KRG) puisque les Turcs ont même entraîné des peshmergas par le passé.

L’incursion terrestre de l’armée turque marque une nouvelle étape dans la guerre menée contre le PKK. Elle n’a pu se faire sans l’aval des autorités kurdes irakiennes. Toutes les zones où les commandos turcs ont pénétré au nord de l’Irak sont placées sous le contrôle du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) dirigé par Massoud Barzani, l’actuel président de la région kurde.

« Tirer les leçons »

Alors que l’aviation turque bombardait le fief du PKK à Qandil, une délégation du Parti de la démocratie des peuples (HDP, prokurde) dirigée par Pervin Buldan, la coprésidente du parti, était en visite à Erbil du 7 au 9 avril au nom « du renforcement des liens avec les autres partis kurdes ». Reçus par le président Barzani, les représentants du HDP ont évoqué avec lui les problèmes régionaux.

« Les populations kurdes ont beau être dispersées sur quatre Etats [Iran, Irak, Syrie et Turquie], elles n’ont pas de problèmes entre elles, en revanche les problèmes existent entre les partis. La concurrence n’est pas une mauvaise chose, c’est un signe de pluralisme démocratique. Mais, lorsqu’elle est exacerbée, cela conduit à ce que nous avons vu à Kirkouk, à Afrine, à Cizre et à Sur [Diyarbakir]. Il nous faut impérativement tirer les leçons de ce qui s’est passé », a confié Osman Baydemir, député du HDP pour la région d’Urfa au sud de la Turquie, à l’agence Rudaw, dimanche 8 avril.

Les médias turcs progouvernementaux gardent le silence sur ces opérations. Les autorités de Bagdad ont réagi à mots feutrés, le ministère irakien des affaires étrangères condamnant « des violations » ayant conduit à la mort de civils. Les relations entre Ankara et Bagdad sont sujettes à des tensions. Des désaccords subsistent, notamment à propos de la base militaire turque de Bachika, à l’est de Mossoul, que les autorités irakiennes voudraient voir évacuée. La tension a encore failli monter d’un cran à la fin du mois de mars, lorsque le président Recep Tayyip Erdogan a promis une offensive turque dans la région des monts Sinjar, proche de la frontière syrienne, dès lors que Bagdad ne faisait rien pour déloger les forces du PKK déployées sur place.

« Si cette affaire traîne davantage, il y aura un nouveau “Rameau d’olivier” là-bas. Nous avons prévenu Bagdad, nous leur avons dit de régler le problème faute de quoi c’est nous qui le ferons », a menacé M. Erdogan dans une allusion à l’invasion, par l’armée turque, de l’enclave d’Afrine, en Syrie. Le 23 mars, le PKK a annoncé avoir retiré ses combattants du Sinjar, un fief yézidi (une minorité kurdophone non musulmane) où ils étaient déployés depuis la campagne d’extermination menée par le groupe Etat islamique contre les populations locales en 2014.

Estimant « avoir atteint ses objectifs », l’organisation a laissé la place aux forces irakiennes. « Sinjar et ses environs sont devenues sûres et le gouvernement irakien semble prêt à répondre aux demandes des Yézidis », dit un communiqué émis le 23 mars par le KCK, la vitrine politique du PKK.

 

 


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