À Erbil, au Kurdistan irakien, le consul américain a organisé une projection de «La Bataille de Mossoul» de BHL. Un geste fort et qui prend tout son sens à la fois quelques mois après l’abandon du Rojava, et à la fois au moment où l’Irak est dans la tourmente.
Il y a quelques jours ont eu lieu deux évènements importants pour les Kurdes, dans cette nuit noire que ce peuple traverse depuis quelques mois, depuis le retrait des troupes américaines de la frontière entre la Syrie et la Turquie, et l’écrasement subséquent du Rojava syrien, ardemment libéré par les Peshmergas face à Daech.
D’abord, à Erbil, au Kurdistan irakien, le consul américain a pris l’initiative d’organiser une projection du film de Bernard-Henri Lévy, «La Bataille de Mossoul». Le Kurdistan irakien, malgré l’échec du référendum d’auto-détermination en 2018, sauvagement réprimé par le pouvoir central de Bagdad, véritable marionnette de l’Iran, vit, depuis, dans une relative autonomie et sérénité. Il faut dire que les Kurdes irakiens, malgré les divisions tribales et politiques, pèsent d’un grand poids et qu’ils ont, eux-aussi, payé de leur sang, depuis le massacre d’Halabdja par Saddam Hussein et Ali le Chimique, jusqu’aux combats contre Daech où les Kurdes ont, au prix d’un grand nombre de morts, délivré le nord irakien de Daech et protégé les Yézidis et chrétiens d’Orient. Dans l’assistance présente, hier, à Erbil, pour cette projection du film de BHL : des troupes spéciales, des diplomates, des forces d’élite. Surtout, alors que Bernard-Henri Lévy s’était rendu au même consulat en décembre, dans le cadre d’un reportage sidérant sur les traces de Daech en Syrie et en Irak pour Paris-Match, et avait organisé la projection de «Peshmerga», le consul américain Steven Fagin a lu un message du philosophe en ouverture de la séance de «La Bataille de Mossoul». Le message du film selon son auteur ? «Ce film retrace la bataille de Mossoul – mais vue, pour l’essentiel, du côté des Kurdes d’Irak. Leur bravoure, leur esprit de sacrifice, dans cette guerre pour la libération d’une province et d’une ville qui n’étaient pas les leurs, ont fait d’eux, une fois de plus, après deux ans de containment d’ISIS sur mille kilomètres de front, les meilleurs et plus fidèles alliés de nos démocraties en lutte contre la barbarie.» Puis, BHL poursuit : «Vous le verrez dans ce film, les Peshmerga ont libéré la plaine de Ninive jusqu’aux abords de Mossoul».
Et BHL de poursuivre : «Les Peshmerga ont consenti des sacrifices considérables pour terrasser en son cœur, aux côtés des forces de la Coalition, l’hydre d’ISIS qui avait voulu les soumettre et nous soumettre. Presque plus important encore : contre le Mal absolu qu’était ISIS, ils ont fait cette guerre sans l’aimer et dans le respect exemplaire des lois de la guerre et de la simple humanité.» Enfin, faisant référence à l’interférence du gouvernement chiite pro-iranien, qui a fomenté le détournement des forces kurdes et organisé une parade des troupes spéciales chiites en «libérateurs» de la ville de Mossoul (choses que l’on voit dans le film, ainsi que le côté proprement fasciste de ces mêmes troupes), BHL conclut : «Et puis ce que je montre enfin (et déplore) dans ce film c’est qu’ils ne furent pas conviés à l’ultime bataille de cette Bataille ; ils furent priés de s’abstenir de participer aux combats pour la libération proprement dite de la ville ; et à l’heure de la victoire, il fut, une fois de plus, dénié à ce peuple du Kurdistan le droit de décider de son indépendance. Cette injustice est l’amère leçon que j’ai voulu transmettre dans ce film. N’abandonnons jamais ceux qui se sont battus et qui sont morts pour nous.»
Qu’un consul américain prononce ces mots, en hommage aux Kurdes, est un geste fort, et qui prend tout son sens, à la fois quelques mois après l’abandon du Rojava, et à la fois au moment où l’Irak est dans la tourmente et semble – enfin ! – vouloir briser ses chaînes iraniennes. Rappeler que les Kurdes ont été l’honneur de l’Occident, dans un bâtiment fédéral américain, sur le sol irakien, c’est un acte politique puissant, et admirable.
Le même jour – hasard, ou pas, du calendrier – Trump s’est entretenu à Davos avec le Président kurde irakien, Nechirvan Barzani, l’un des personnages du film. Trump a décrit les Kurdes comme un «grand peuple» à qui «nous devons beaucoup». Il a répété sa «gratitude et son admiration» pour le rôle des Kurdes dans le combat contre Daech. Voilà, là encore, des mots clairs, assez neufs dans leur franchise et leur clarté pour Trump, et un signe encourageant pour les Kurdes.
Au même moment, on y reviendra, BHL continuait sa tournée de projections des films kurdes, à guichets fermés, de projection, Coast to coast, de New York à Los Angeles, pour la sensibilisation et la médiatisation du juste combat des Peshmergas, et tout ce en quoi, pour reprendre les mots de Trump, la liberté et la démocratie «leur doivent beaucoup».
Depuis cent ans, les Kurdes n’ont pas d’État. Heureusement, il leur reste des amis, des alliés, des ambassadeurs de bonne volonté, et même des cinéastes engagés. De la ligne de front aux lignes diplomatiques de Davos, c’est un dur combat. Mais il est des jours où l’on a, un peu, le sentiment que les choses vont dans le bon sens.