Avant-hier soir, 26 octobre 2019, la grande salle de projection du New York Times accueillait Bernard-Henri Levy et son film Peshmerga.
Dès 18h, une heure avant que la projection ne commence, la queue commençait à se former sur la 41eme rue.
Il y avait là des centaines de femmes et d’hommes indignés par la façon dont leur Président, Donald J. Trump, a trahi l’allié Kurde.
Beaucoup de visages jeunes.
Beaucoup de visages connus de ceux qui, à New York, sont familiers des grandes protestations pour les droits de l’homme et la justice.
Et puis, bien sûr, des employés du New York Times venus assister «en voisins» à cet évènement d’exception auquel l’actualité donnait un relief particulièrement important.
L’évènement était organisé conjointement par La Règle du Jeu et par Justice for Kurds, l’organisation non gouvernementale que Bernard-Henri Lévy a créée avec le philanthrope New Yorkais Thomas Kaplan et dont je suis la directrice executive.
J’ai dû, avec mon équipe, aller présenter nos excuses, et celles du New York Times, aux dizaines de spectateurs qui n’ont pas pu entrer et auxquels nous avons promis une séance supplémentaire dans les jours prochains.
Puis j’ai ouvert la séance en soulignant que, ce soir, BHL n’était plus BHL, il n’était plus seulement l’auteur d’essais retentissants qui ont fait sa gloire en Amérique, mais qu’il était d’abord un film maker, un réalisateur de documentaires de guerre – et, en l’espèce, le réalisateur de Peshmerga.
L’auteur est ensuite monté sur la scène pour dire que Peshmerga, même s’il suit les kurdes irakiens et non syriens, a été tourné pour témoigner de la grandeur de ce peuple kurde, si régulièrement trahi par ses supposés alliés.
Et c’est alors que la projection a commencé : intense, émouvante, les images de 2015 trouvant un relief singulier dans cette nouvelle nuit ou chacun sait que le peuple kurde est entré depuis que l’Amérique de Trump lui a signifié son abandon.
Sur le générique de fin, les quelques centaines de personnes présentes ont très longuement applaudi. Certains pleuraient ou avaient les larmes aux yeux. Et le réalisateur est apparu, très ému lui aussi, pour un bref débat avec la salle, hanté par ces mêmes terribles questions : pourquoi le jeune général aux cheveux blancs est-il mort ? Pour quelle cause s’est-il sacrifié ? Faut-il l’entendre à la lettre quand il dit, quelques minutes avant que ne le frappe une balle en pleine tête : «Je défends, non seulement ma terre et mon pays, mais la civilisation» ? Et pourrons-nous, sans l’aide des Kurdes, continuer de mener la bataille contre Daech ?
Beaucoup de New-Yorkais ont prié Bernard Henri Lévy de transmettre à ses amis kurdes l’expression de leur admiration et de leur soutien.
Beaucoup ont dit, et adjuré Bhl de transmette, qu’ils avaient d’autres amis que les montagnes et que quelques uns de ces amis étaient là, ce soir, rassemblés dans les locaux du plus grand journal du monde.
C’est quelques minutes après la fin de cette projection qu’est tombée l’information de la possible mort de Baghdadi, le fondateur et chef de Daech. S’exprimant dans les médias américains, l’auteur de Peshmerga a aussitôt réagi : «Bravo pour cette victoire; merci à ceux qui l’ont permise; mais n’oublions jamais qu’elle n’a été possible que parce que les États-Unis et leurs agences de renseignement avaient sur le terrain des informateurs et donc des alliés fidèles, les Kurdes».