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Le Monde: Netchirvan Barzani élu président du Kurdistan irakien, son clan maintient sa domination sur la région


La domination du clan Barzani sur le Kurdistan irakien est plus que jamais installée. Un an et demi après la démission de Massoud Barzani, le premier président de la région autonome, son neveu et gendre Nechirvan Barzani a été élu président, mardi 28 mai. Lors d’un vote au Parlement local boycotté par le principal parti d’opposition, celui qui était jusque-là premier ministre a obtenu 68 voix sur 111. A la tête du gouvernement, Néchirvan Barzani devrait prochainement nommer… son cousin Masrour Barzani, le fils de Massoud.

Netchirvan Barzani, âgé de 52 ans, a une longue expérience en politique et de puissants relais au sein du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) des Barzani et du gouvernement régional du Kurdistan (GRK). Petit-fils de Moustafa Barzani, le chef historique du mouvement kurde en Irak, Nechirvan Barzani a passé une partie de sa vie en exil en Iran et parle couramment kurde, farsi et anglais. En 1996, cinq ans après l’obtention de l’autonomie après la féroce répression du régime de Saddam Hussein, Netchirvan Barzani accède, à 30 ans, au poste de vice-premier ministre du Kurdistan, puis en 1999 à celui de chef du gouvernement.

Mais, alors que le Kurdistan irakien est miné par les divisions internes, il n’a le pouvoir que sur le nord et l’ouest de la région, le sud étant sous l’autorité d’un gouvernement rival de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) du défunt président irakien Jalal Talabani. Lors de la réunification du pouvoir en 2006, Nechirvan Barzani est choisi pour diriger le premier gouvernement d’union. Il est ensuite remplacé par Barham Saleh, alors haut dirigeant de l’UPK et aujourd’hui président de l’Irak, avant de retrouver le poste en 2012.

Plusieurs points de dissension entre les deux grands partis-clans

Le boycott du scrutin de mardi par l’UPK, arrivé deuxième aux législatives de septembre 2018 avec 21 sièges derrière le PDK, n’a pas empêché Nechirvan Barzani de remporter l’élection. L’UPK a accusé le PDK d’être revenu sur l’accord passé en amont du scrutin et a réclamé un accord de partage du pouvoir clair avec son adversaire politique. « Le Parti démocratique du Kurdistan ne doit pas mettre sur la touche ou marginaliser d’autres partenaires politiques et () prendre des décisions unilatérales », a déclaré le porte-parole de l’UPK, Cheikh Omar.

Plusieurs points de dissension sont évoqués entre les deux grands partis-clans : la nomination du gouverneur de Kirkouk, le portefeuille de la justice au sein du gouvernement fédéral de Bagdad et la place accordée par le PDK dans le futur gouvernement régional au petit parti Gorran (« Changement » en kurde, 12 sièges), dont la base électorale se trouve sur les terres de l’UPK. Mais, « la raison officieuse,estime Adel Bakawan, chercheur associé à l’EHESS, est la division interne de l’UPK en quatre branches qui n’arrivent pas à trouver un consensus pour développer une politique commune face au PDK. Et ce dernier ne sait plus à qui s’adresser au sein de l’UPK ». Le scénario de 2013 pourrait se reproduire : des portefeuilles étaient restés vacants durant des mois jusqu’à ce que l’UPK intègre le gouvernement.

L’élection de Nechirvan Barzani à la présidence, avec la nomination prochaine de son cousin Masrour au gouvernement, assoit sans conteste la domination du parti-clan sur le gouvernement régional du Kurdistan. Le PDK était sorti renforcé des élections législatives fédérales de mai 2018, puis des législatives pour le Parlement local en septembre 2018, où il a remporté 45 sièges, en dépit de l’échec du référendum d’autodétermination du Kurdistan irakien en septembre 2017. Massivement gagné par le « oui », celui-ci avait donné lieu à des représailles de Bagdad, dont la reconquête de Kirkouk et des territoires disputés que les combattants kurdes peshmergas avaient libérés de l’organisation Etat islamique.

Un système miné par une corruption endémique

S’il a démissionné de la présidence en novembre 2017, à la suite de cet échec, Massoud Barzani reste le chef incontesté de la région autonome. « Par son charisme, son histoire et sa personnalité, Massoud Barzani est le pouvoir dans le pouvoir. Toutes les grandes décisions passeront par son filtre », estime le chercheur Adel Bakawan. Il reste à voir quels rapports de force s’imposeront dans les années à venir au sein du PDK entre les deux lignes incarnées respectivement par Nechirvan et Masrour Barzani.

Numéro deux de Massoud Barzani au sein du PDK, Nechirvan Barzani est « un modéré, favorable à la normalisation avec l’UPK, Bagdad et le monde. Il incarne l’ouverture, la libéralisation et l’intégration », analyse Adel Bakawan. Face à lui, Masrour Barzani, membre de la direction du parti et chancelier du Conseil de sécurité de la région du Kurdistan, incarne « un nationalisme ferme et fermé. Mais, il dit vouloir réformer le système et prendre ses distances avec l’héritage de Nechirvan Barzani au gouvernement. Il a une vision sécuritaire de la réforme », poursuit-il. Les réformes auxquelles appellent de leurs vœux des partis comme Gorran, notamment dans l’appareil sécuritaire ou le système économique, seront toutefois difficiles à mettre en œuvre tant le système est miné par une corruption endémique.

 


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https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/28/netchirvan-barzani-elu-president-du-kurdistan-irakien_5468564_3210.html