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Military personnel with special early voting status head to the polls. Photo: Rudaw

Yahoo: Premières élections en Irak depuis la défaite militaire de l’EI


BAGDAD (Reuters) – Pour la première fois depuis la victoire militaire sur les djihadistes du groupe Etat islamique (EI), les Irakiens se rendent aux urnes samedi dans le cadre d’élections législatives dont le vainqueur devra s’atteler à la reconstruction et à la préservation de la fragile unité du pays.

Le scrutin, que l’EI menace de perturber, survient en outre au terme d’une semaine marquée par l’annonce du retrait américain de l’accord de 2015 sur le programme nucléaire du voisin iranien. La décision de Donald Trump va rebattre les cartes diplomatiques et les équilibres géopolitiques dans la région. Téhéran et Washington sont chacun de leur côté des alliés de Bagdad.

Le futur gouvernement irakien devra donc veiller à un maintien des équilibres entre ses alliés mais aussi entre les communautés qui forment la population irakienne face aux tensions confessionnelles et séparatistes toujours prégnantes, quatre ans après l’irruption spectaculaire de l’Etat islamique.

L’organisation djihadiste, aujourd’hui en déroute sur le terrain, s’était nourrie en partie du ressentiment de la minorité sunnite, s’estimant lésée par la majorité chiite et le gouvernement alors conduit par Nouri al Maliki.

ABADI TENTE D’ÉLARGIR SON SOCLE ÉLECTORAL

Le Premier ministre sortant Haïdar al Abadi, 66 ans, aborde ces élections sans garantie de succès.

Porté au pouvoir il y a quatre ans pour tenter d’en finir avec les pratiques jugées discriminantes de son prédécesseur, cet homme de compromis, inconnu à sa prise de fonction, deux mois à peine après la conquête de Mossoul par les djihadistes, a su faire taire les sceptiques.

L’ancien ingénieur un temps chargé de la maintenance des ascenseurs de la BBC lors de son exil britannique, sous Saddam Hussein, a inscrit à son bilan la victoire militaire contre l’EI, l’apaisement des tensions interconfessionnelles et le maintien de l’unité territoriale du pays après le référendum d’autodétermination kurde.

Sa liste, l’Alliance de la victoire, est la seule à présenter des candidats dans les 18 provinces du pays. “Depuis 2003 (ndlr, année du renversement de Saddam), c’est la première liste à se présenter dans les 18 provinces avec des candidats sunnites, chiites, kurdes, chrétiens et yazidis”, dit Badr al Fahl, candidat sunnite sur la liste d’Abadi à Tikrit.

“Abadi, poursuit-il, ne se sert pas des discours confessionnels et veut construire notre pays.”

Mais le Premier ministre sortant est parallèlement critiqué pour la persistance de la corruption au sein de l’appareil d’Etat, les difficultés économiques et les mesures d’austérité que son gouvernement a adoptées à la suite de la baisse des cours du pétrole et au nom du financement de la lutte contre l’EI.

Si une partie de l’électorat sunnite lui sait gré, à rebours de son prédécesseur, d’avoir mené une politique plus inclusive, ses liens avec les Kurdes se sont distendus depuis que Bagdad a stoppé le référendum de septembre dernier, dont les résultats ont été annulés par la Cour suprême, et imposé des sanctions au Gouvernement régional du Kurdistan.

HADI AL AMIRI MET EN AVANT SES FAITS D’ARME

Haïdar al Abadi a deux principaux adversaires, Nouri al Maliki, qui tente de revenir au pouvoir, et Hadi al Amiri, commandant d’une milice chiite soutenue par l’Iran.

Même si l’Alliance de la victoire décroche le plus grand nombre de sièges, des tractations complexes seront nécessaire pour parvenir à former un nouveau gouvernement de coalition.

Comme Abadi, Amiri mène campagne sur la victoire contre les djihadistes de l’EI. Leader de l’Organisation Badr, architecte des Forces de mobilisation populaire, alliance de milices principalement chiites qui ont été essentielles dans la bataille, il a longtemps vécu en exil en Iran, combattant à distance le régime sunnite de Saddam Hussein qui l’avait condamné à mort.

“Son étoile s’est mise à briller en 2014”, dit un intellectuel chiite. “Amiri le ministre peu convaincant (ndlr, il a été ministre des Transports de 2010 à 2014) a disparu et laissé place au commandant de guérilla au moment où les chiites d’Irak avaient le plus besoin de lui”, ajoute-t-il.

Amiri, qui est âgé de 63 ans, entretient des liens étroits avec le corps des Gardiens de la révolution iranienne, et avec son commandant pour les opérations extérieures, Qassem Soleimani, une amitié qu’il exploite à coups de photographies montrant les deux hommes en uniforme, sur les champs de bataille.

Il a su parallèlement maintenir des contacts avec les diplomates américains en poste à Bagdad. “Les Américains peuvent travailler avec Amiri et il n’y a aucune raison de penser qu’il livrera l’Irak à l’Iran à moins qu’il soit forcée de choisir entre les deux”, observe un diplomate occidental.

MALIKI TENTE UN RETOUR AU PREMIER PLAN

Maliki, marginalisé en 2014 après huit années de pouvoir, tente lui un retour politique en continuant de se poser en champion de la communauté chiite.

Lui aussi passé par l’exil, entre Syrie et Iran, lui aussi condamné à mort sous Saddam Hussein, Maliki s’est aliéné les communautés sunnite et kurde par ses politiques jugées discriminatoires.

“Quand il est devenu Premier ministre, il a continué de fonctionner comme un agent clandestin du Dawa (ndlr, le parti islamiste chiite interdit sous Saddam). Il a intégré dans chaque ministère des cellules fantômes du Dawa qui lui rendaient compte directement”, note un ancien membre, non chiite, de son cabinet.

Le grand ayatollah Ali Sistani, figure du monde chiite, qui s’était opposé à sa reconduction en 2014, ouvrant la voie à l’investiture d’Abadi, a redit au début du mois son hostilité à son égard.

LES SUNNITES EN PLEIN DÉSARROI, LES KURDES DIVISÉS

Si les candidats chiites se présentent en ordre dispersé, les sunnites d’Irak sont eux aussi divisés mais pour une raison diamétralement opposée: ils n’ont aucun candidat.

Pour les observateurs, la communauté sunnite est à son point le plus bas de l’Histoire irakienne, des millions de ses membres ont été déplacés par les combats dans des camps, sont ruinés ou tentent de reconstruire leurs foyers détruits. Ils ont en outre le sentiment d’être collectivement considérés comme des sympathisants de l’Etat islamique.

Les leaders kurdes pour leur part risquent de payer l’échec du référendum de septembre: nombre de Kurdes irakiens leur reprochent d’avoir joué à la légère le statut d’autonomie du Kurdistan irakien et pourraient se tourner vers des partis alternatifs pour les sanctionner.

Depuis le renversement de Saddam, le poste de Premier ministre est dévolu à un chiite, la présidence du Parlement revient à un sunnite et la présidence, poste largement protocolaire, est réservé à la communauté kurde.

Tous trois sont désignés par les parlementaires.

Samedi, plus de 7.000 candidats brigueront les 329 sièges de députés en jeu.

Une fois les résultats proclamés, la Constitution prévoit un délai maximum de 90 jours pour la formation du futur gouvernement.


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