Il y a peu de génocides dans l’histoire contemporaine. Il y a quantité de massacres, mais peu de génocides. L’extermination des Arméniens. La Shoah. L’auto-génocide du peuple khmer par les Khmers rouges. L’atroce génocide tutsi au Rwanda. Mais il y a un autre peuple qui partage cette terrible destinée, ce privilège pervers : le peuple kurde.
Des années 70 jusqu’en 1988, 4.500 villages furent détruits au Kurdistan, et quelques-uns de leurs noms m’ont hanté durant des décennies. En ces lieux, Halabja, Qara Dagh, Sergalou, tant d’autres encore, hommes, femmes, enfants furent éliminés pour la seule raison qu’ils étaient kurdes. Tels sont ces lieux du souvenir horrifié, douloureux, où 182.000 être humains furent assassinés durant la campagne Anfal, non pour ce qu’ils auraient fait mais pour ce qu’ils étaient.
Parmi les raisons qui font que je me suis impliqué dans la cause du people kurde, il y a, bien sûr, le fait que les Kurdes furent en première ligne du Front contre Daech.
Il y a aussi l’exemple de démocratie et l’exception qu’ils représentent dans cette région du monde. Il y a l’égalité entre les hommes et les femmes jusque sur les champs de bataille, que j’ai montrée dans mes deux films documentaires, Peshmerga et La bataille de Mossoul.
Mais il y a aussi l’idée de partage de la mémoire. La mémoire du génocide. Et l’idée qu’une solidarité active unit tous les hommes et les femmes qui défendent cette flamme du souvenir des massacres génocidaires.
Un philosophe tchèque, Jan Patočka, écrivit en 1968 sur la solidarité des ébranlés, cette communauté de destin de tous ceux auxquels a été déniée leur appartenance au genre humain. C’est cela que je ressens quand je me retrouve parmi mes frères kurdes d’Erbil, de Dohouk, Kirkouk, Halabja, Soulemanié.